Bernadette Pécassou-Camebrac, La dernière bagnarde
"En mai 1888, Marie Bartête, à l'âge de vingt ans, embarque sur le Ville de Saint-Nazaire. Elle ne le sait pas encore, mais elle ne reverra plus jamais sa terre de France. On l'envoie au bagne, en Guyane. Bien sûr, elle a été arrêtée plusieurs fois pour de petits délits, mais elle a connu la prison pour cela. Pourquoi maintenant l'expédie-t-on à l'autre bout du monde ? Reléguée. La France ne veut plus d'elle. Sur le bateau, elle rencontre Louise, persuadée qu'on les emmène au paradis. Là-bas, on dit qu'il fait toujours beau et qu'elle se mariera. Mais l'illusion sera de courte durée. Le voyage de six semaines à fond de cale, les mauvais traitements et l'arrivée en terre inhospitalière achèvent de la convaincre que c'est bien l'enfer qui l'attend. Et que, malgré la bonne volonté de soeur Agnès et de Romain, jeune médecin de métropole, personne ne l'en sortira jamais. C'est le destin de cette prisonnière du bagne de Saint-Laurent-du-Maroni que fait revivre ici Bernadette Pécassou-Camebrac. Elle met en scène d'une écriture énergique et sensible le sort tragique de ces femmes abandonnées de tous, que l'histoire a tout simplement oubliées."
Nombreux récits ont été faits sur le bagne de Cayenne, mais il y est principalement question des forçats. Ici, Bernadette Pécassou-Camebrac s'attache à nous raconter l'histoire de ces femmes qu'on avait envoyé au bagne pour qu'elles épousent les forçats redevenus libres mais qui devaient rester à Cayenne, pour y cultiver la terre. Elle nous décrit la condition des traversées, l'arrivée et l'organisation au bagne. Elle nous donne à voir également la condition des soeurs envoyées pour accompagner ces femmes, mais aussi la lenteur de l'administration et son inaction,ainsi que l'impuissance des médecins.
Pourriture. Je crois que c'est le mot qui convient parfaitement, qui résume le sentiment et l'image qui se dégagent de ce récit, la pourriture, la putréfaction, l'air vicié, la décomposition... Le sort de ces bagnardes est ignoble. Le récit est déroutant. Tout le rebut de la société était envoyé au bagne pour "nettoyer" le territoire, sous couvert de peupler cette nouvelle colonnie qu'était la Guyanne. C'est honteux!
Difficile de raconter cette histoire, c'est à lire assurément avec tout le poids que l'auteur met dans ses mots, la force qu'elle donne à ses personnages. Le sentiment d'injustice est partout, à chaque mort qui survient on a espoir que cette fois il ou elle s'en sortira mais non. On ne ressort pas du bagne, on ne revient pas en France.Le bagne est au final une machine à anéantir l'espoir et la vie, l'humanité des Hommes.
L'un des médecins évoque Dante et les illustrations de Gustave Doré et c'est vraiment l'impression que cela m'a laissé: l'abondances, l'opulance du malheur, comme un tourbillon qui enveloppe tout et tous.
En quelques mots, c'est une lecture poignante qui m'a donné envie de découvrir qui était Albert Londres, d'autant plus que Sorj Chalandon a gagné le prix Albert Londres.
Après quelques recherches, je sais maintenant que c'était un journaliste françaiset que depuis 1933 est décerné le prix éponyme aux journalistes francophones méritants. Albert Londres a silloné le monde de la Chine à la Guyanne en passant par la Russie, c'était un reporter engagé. Un film a été réalisé sur son voyage au bagne de Cayenne en 2004, Les amants du bagne, à voir donc...
Un petit extrait: " Alors, lui qui avait tant cru dans le pouvoir de la médecine, il s'était senti inutile, misérable. Il avit fait les pansements, donné les cachets, mais devant ces hommes qui pourrissaient littéralement sur place et qu'il aurait fallu avoir le courage de tuer pour alléger leurs souffrances, il avait pleuré."