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Notes de lecture
14 janvier 2010

Suze Rotolo, Le Temps des possibles, Greenwich Village, les années 1960

le_temps_des_possiblesVoilà que je referme Le temps des possibles et que je me dis mais comment c’est déjà terminé ? Encore ! J’en veux encore !

Comme certaines l’auront déjà compris j’aime beaucoup les années 1960 et ce livre fut donc pour moi un vrai régal, une petite merveille 348 pages dont il va m’être difficile de rendre compte. Je ferai donc ça plutôt de façon linéaire et surtout grâce à certaines citations que j’ai relevées. Mais pour commencer un mot sur Suze Rotolo. Issue d’une famille d’immigrés italiens communistes elle a grandit dans le Queens et a rencontré Bob Dylan au début des années 1960. C’est ainsi qu’elle s’est plongée dans l’univers folk qui régnait à Greenwich Village. Bob Dylan est omniprésent dans le temps des possibles, c’est d’ailleurs d’après le titre d’un de ses albums que le titre original a été choisi : A Freewheelin’ Time, a mémoir of Greenwich in the Sixties. J’ai donc eu au début un peu peur que cela finisse par m’ennuyer je ne suis pas tellement adepte des biographies. Mais non finalement, Suze Rotolo tente de nous livrer son ressenti par rapport à sa relation avec Bob Dylan, elle nous le dépeint telle qu’il était à l’époque dans la sphère privée et dans la sphère publique avec une certaine admiration mais aussi un soucis de vérité qui parfois nous livre un Bob Dylan antipathique. C’est aussi l’occasion pour elle de nous parler de sa famille, des Etats-Unis où il ne fait pas bon vivre étant communiste, de la montée de la musique Folk, du mouvement pour les droits sociaux, de l’art, de ses interrogations sur la place de la femme à l’heure où le féminisme n’était pas encore d’actualité…Son écriture est fluide, plaisante à lire. On a simplement l’impression de suivre le cheminement de ses pensées.

Elle annonce dès le début qu’elle va  nous livrer ses propres souvenirs d’une époque aujourd’hui révolue : «  J’ai rencontré Bob Dylan en 1961. J’avais dix-sept ans et il en avait vingt. Ces quelques pages sont les souvenirs de ma vie qui sont intimement mêlés à la sienne lors de nos années d’apprentissage. »

« Les années 1960 ont été fabuleuses – une décennie de protestation et de rébellion. Une génération entière avait le droit de boire et de mourir à la guerre à dix-huit ans mais n’avait pas le droit de voter avant vingt-et-un. La crise était inévitable. Les conversations devenaient des chansons, les chansons provoquaient des discussions. On organisait des marches pour les droits civiques, des marches contre la bombe, des marches contre l’escalade de la guerre au Vietnam. Mais c’était aussi des marches en réaction à la rigidité morale des années 1950 ; La Beat Generation avait ouvert une brèche, et nous, la génération suivante, nous y sommes engouffrés. »

Suze Rotolo a donc grandi dans une famille italienne aux idéologies communistes pendant les années 1950 pendant lesquelles la guerre froide était à son apogée sous le Général Heisenhower et la chasse aux sorcières lancée par McCarthy : le régime du tout noir ou du tout blanc comme elle l’appelle. Métaphore appropriée quand on sait que les années 1950 sont aussi marquées par la ségrégation dans les états du sud. C’est effectivement en 1958 qu’ont commencées les « Freedom Rides » pour demander l’égalité entre blancs et noirs.  Suze était engagée dans ces marches et ces sit-in, elle distribuait des tracts devant les magasins Woolworth qui pratiquait la ségrégation dans le sud, elle a assisté au discours de Martin Luther King en Août 1963 à Washington.

Sa rencontre avec Bob Dylan avant qu’il ne devienne le Dylan Folk nous donne un aperçu de Greenwich village et tous les artistes, musiciens et chanteurs qu’elle y a rencontré. Elle nous parle des précurseurs de la Folk, d’Alan Ginsberg et de Woody Guthrie… Tout ça m’a rappelé mes cours de L3 avec un prof super sexy tout droit arrivé de Chicago. Ses cours étaient passionnants, ce n’est pas lui qui m’a transmis ce goût pour les sixties mais il y a ajouté sa pierre.

En 1962 elle part étudier en Italie. Sa séparation avec Bob est douloureuse. Ils s’écrivent. Certains passages de ses lettres deviendront des chansons. Il lui fait part des chansons qu’il écrit, lui écrit celles où il parle d’elle (Bob Dylan’s blues, Down in the Highway, I’m in the mood for you) Elle rentre en Décembre 1962 quelques temps avant la sortie de l’album Freewheelin’ Bob Dylan.

L’été 1963 verra la popularité du chanteur Folk s’accroitre notamment grâce à sa rencontre avec Joane Baez et au festival de suze_rotoloNewport : « Une énergie particulière régna sur ce festival. Les concerts furent magnifiques et tout le monde sentait que nous étions à la veille de quelque chose d’important. La folk avait remporté la partie. Des gamins révoltés venus des quatre coins du pays, qui attendaient de passer à l’action, venaient de se rencontrer. »

La première moitié des années soixante c’est aussi l’élection puis l’assassinat de Kennedy et de son « meurtrier » Lee Harvey Oswald (cf mon billet sur JFK de Jim Garisson) C’est l’époque où « la culture jeune était en pleine éclosion. Les jeunes étaient furieux contre la société telle qu’elle était. »

La fin de l’année 1963 fut donc un tournant dans l’histoire des Etats-Unis : « L’année avait été compliquée, pleine de hauts et de bas, rythmés par des évènements tristes, terribles, des soulèvements et des changements pour le meilleur et pour le pire. Un parfum d’anticipation flottait dans l’air. »

Avec ce changement d’atmosphère sont venus également les changements dans le couple Bobby-Suze. Suze était étouffée par la personnalité de Bob et ne pouvait pas supporter d’être « la nana de », unique reconnaissance à laquelle avaient droit les copines ou femmes de chanteurs à l’époque. Les femmes de manière générale étaient toujours femme de. Suze retourne donc vivre avec sa sœur mais ne cesse pas pour autant de fréquenter Bob Dylan et son cercle d’amis à Greenwich village. C’est à cette époque que sort l’album de Dylan Times They Are A-Changin’

Suze ne supporte plus ces gens qui se rapprochent d’elle pour se rapprocher du chanteur : « On dit qu’il est très secret : « Pourquoi ne se dévoile-t-il pas plus ? » Je n’ai jamais compris ce que cela signifie.. Les chansons et les poèmes révèlent le cœur même de l’artiste. Bob Dylan est son œuvre. Quand on analyse les paroles il y a une limite à ne pas dépasser si l’on ne veut pas anéantir l’art. A quel moment la dissection commence-t-elle à nuire à la magie des mots ? »

Suze participe au voyage à Cuba pour braver le décret qui interdit de se rendre sur l’île. Elle passera par Londres, Paris et Prague avant de se rendre à La Havane pour déjouer les douanes américaines. 0 son retour son passeport sera invalidé. La suspicion contre « les rouges » est partout. Parallèlement, les manifestations contre la guerre du Vietnam se font plus fréquentes, l’air des Beatles gagne les Etats-Unis.

« Les jeunes filles de bonne famille n’avaient pas une mèche qui dépassait et tout jeune homme respectable devait afficher une coupe de cheveux avec la nuque dégagée. Tout le monde devait être gominé et dans la norme. Les Beatles étaient propres sur eux mais avec les cheveux longs. Message contradictoire. Un vent de liberté commençait à souffler. »

Après sa rupture avec Bob Dylan tout s’accélère, Suze s’inscrit aux cours du soir de la faculté d’Harvard, elle fait l’expérience des transes sans même prendre de drogue, elle reprend un appartement avec son amie Janet qu’elle retrouvera en Europe quand elle repartira en 1967 pour l’Italie, Et puis Suze s’arrête et nous donne sa conclusion des années 1960. J’avais envie que cela continue après 1967… mais c’est ainsi, « les années 1960 furent une décennie de remise en question, de curiosité et de refus de la répression politique et sociale qui régnait dans les années 1950. La nouvelle génération qui ruait dans les brancards, ainsi que ceux qui observaient et critiquaient, n’était pas animée par la loi du marché : elle n’avait pas quelque chose à vendre mais quelque chose à dire. »

J’ai recommencé mon billet plusieurs fois enlevés des choses puis rajouté…et je ne suis toujours pas satisfaite. Je n’ai pas l’impression de rendre le plaisir qu’a pu me donner Suze Rotolo à la lecture de son histoire, de ses anecdotes, de ses sentiments. Et pourtant c’est un livre fort en émotion et très intéressant d’un point de vue culturel et civilisationnel.

Je dois dire un grand merci à Joey7lindley parce que c’est elle qui m’a offert ce livre dans le cadre du swap nouvel an organisé par Herisson08. Merci à toutes les deux pour cette très belle découverte.

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Commentaires
T
Merci pour ces liens.
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B
http://www.laffont.fr/site/la_ballade_de_bob_dylan_&100&9782221125724.html
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B
Merci pour ce très beau billet. Pour compléter cette lecture, il y a ce magnifique livre de Daniel Mark Epstein sorti cette année :<br /> http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/b5de748e-95fa-11e0-94ee-c7401763224e/Bob_Dylan_une_ballade_biographique
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T
@ Theloner, merci pour ce commentaire. C'est une période que j'aime beaucoup. J'admire les grandes figures qui ont marqué la décennie
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T
Bonjour, bravo pour cet article sur l'excellent livre de Suze Rotolo ; il résume très bien les doutes de la jeunesse dans les sixties : la dualité entre une époque formidable et la révolte permanente de la jeunesse qui ne voulait en aucun cas subir toutes les injustices de ce monde.<br /> Une époque formidable : oui car les talents créatifs peuvent s'exprimer au travers de la musique et de l'art en général dans des lieux "branchés"<br /> Les injustices de ce monde : la guerre du Viet Nam, le racisme, l'intolérance..... <br /> Le 21e siècle est loin d'être parfait mais le temps des possibles reste toujours d'actualité...<br /> Restons proche de nos convictions
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